Au départ, je n’y croyais pas. Il y avait eu tellement d’étapes et de choses à faire… Le long processus de la vente de la maison, la course contre la montre pour partir avant la fin de l’été, l’interminable trajet à travers le continent. Mais on a réussi. Le 24 juillet 2018, on franchissait enfin la frontière de l’Alaska.
On est arrivés par la route qui traverse le Yukon, celle qui passe par Dawson City. Ce trajet, déjà, c’est un vrai spectacle. On roule sur le sommet des montagnes au milieu des nuages. C’est surréaliste. Ça me donnait une petite idée de ce qui m’attendait durant les prochaines semaines.
Dès qu’on met le pied (ou les roues) en Alaska, il faut par contre s’habituer à deux ou trois choses : il fait froid. Leurs étés ressemblent à nos débuts d’octobre, c’est humide et c’est salissant. Le camion et la roulotte ont rapidement pris une belle teinte de boue séchée. C’est dans cet état de saleté avancée qu’on a entamé nos premières journées. On s’est brièvement arrêtés à Chicken au bout d’une route de terre battue semée de… nids de poule. Chicken, ce n’est rien de plus qu’un relais avec une station-service et un resto-boutique qui offre un menu de style cafétéria et des tablettes entières de babioles sur le thème du poulet. Étrange endroit.
Voici l'épisode émotif de notre arrivée en Alaska! ↓
Après une première nuit à Tok, on a poursuivi notre route vers North Pole et Fairbanks. Il ne m’en est pas resté de grands souvenirs. North Pole, c’est juste un « village du père Noël » avec un magasin d’articles de Noël et un enclos avec des rennes importés de la Norvège. On pouvait y pénétrer pour les nourrir et j’avoue qu’on s’est quand même bien amusés. À Fairbanks, on a trouvé un camping pour deux nuits. C’est la deuxième ville en importance après Anchorage, mais dans l’ensemble, c’est un endroit assez ordinaire. Il n’y avait rien d’exceptionnel qui vaille la peine d’être filmé. On en a donc profité pour se reposer et se ravitailler. De toute façon, le cerveau d’Alex était complètement saturé. Il ne pensait qu’à une chose : le prochain arrêt de notre itinéraire, le Denali National Park and Preserve.
Ce parc est la destination la plus populaire de l’Alaska. Les emplacements de camping sont réservés un an à l’avance… ce qu’on ne savait pas. Alex a passé deux longues soirées devant l’écran de son ordinateur à rafraîchir la page Web du site de réservations pour attraper une annulation au vol. Son entêtement nous a bien servis parce qu’il a finalement réussi! On a obtenu un emplacement au Teklanika Campground, un des plus beaux campings au milieu du parc.
Au parc de Denali, dans le but de protéger l’environnement et les animaux sauvages, les visiteurs ne peuvent pas utiliser leur propre véhicule sur une bonne partie des routes. Tous les déplacements doivent se faire en navette, sauf à l’arrivée et au départ, évidemment. Sachant cela, on a porté une attention particulière au décor en avançant vers notre camping. Au début, c’est une forêt dense. Ensuite, le paysage change : on roule entre de grandes collines sans arbres. Au loin, on aperçoit une chaîne de montagnes.
Au milieu du trajet, on a croisé un grizzli qui marchait, seul, sur le flanc d’une pente d’herbe longue. Il était vraiment beau : le dos beige pâle, deux grosses fesses caramel et des pattes noires. Alex a ralenti et j’ai baissé la vitre de l’auto pour le filmer. Wow!
Après une quarantaine de minutes sur la route de gravier, on est arrivés au camping. Le Teklanika est un très beau terrain, sans services, mais dans un secteur absolument enchanteur en pleine nature. Les sites sont intimes, bien espacés au milieu d’une forêt de petits sapins.
Le lendemain, on a choisi l’autobus qui proposait la plus longue excursion : un circuit d’une journée à travers tout le parc jusqu’à Wonder Lake. Notre rencontre avec le mont Denali s’est donc effectuée en compagnie d’une trentaine d’autres touristes. Ce n’est vraiment pas notre façon préférée de voyager, mais c’est malheureusement le seul moyen de voir cet endroit exceptionnel.
Moins d’une heure après le départ, le chauffeur s’est arrêté pour nous faire descendre à un belvédère. Alex a sorti la caméra pour capter nos premières impressions. C’est la base de notre recette secrète de PRÊTS pour la route : on se filme sur le vif, au moment où on vit les expériences qu’on souhaite partager. Il m’a laissée aller de mon côté et en moins d’une seconde il tournait l’objectif vers son visage. Normalement c’est moi qui décris les décors et montre mon émerveillement. Mais cette fois-là, il s’est filmé, incapable de retenir son enthousiasme. Je l’entendais dire à la caméra : « C’est le plus beau paysage que j’ai vu de ma vie. C’est assez impressionnant, on a les montagnes avec la neige toute blanche, le beau ciel bleu, les vallées avec l’herbe verte, le mélange des couleurs… C’est tellement beau, avec la lumière qu’on a présentement, c’est une des plus belles choses que j’ai vues… C’est tellement malade, vous capoteriez de voir ça! »
C’est vrai que c’était magnifique. Le soleil brillait et à cette latitude, il ne monte jamais très haut dans le ciel, même l’été. Il diffuse une belle lumière oblique, un golden hour perpétuelle. Les couleurs semblaient saturées, comme si je les avais travaillées avec Photoshop. En bas du belvédère, on voyait une grande vallée couverte d’herbe et au fond, des montagnes aux sommets découpés qui remplissaient l’horizon sur 180 degrés. C’était encore plus majestueux que les Grand Teton au Wyoming.
J’ai pris beaucoup de photos, mais elles ne rendent pas justice à la véritable beauté de l’endroit. Elles ne rendent pas la profondeur ni l’amplitude des éléments, ne montrent pas les vraies couleurs, ces mille teintes de vert et le contraste avec le blanc éclatant des sommets. Elles ne permettent pas non plus de sentir la pureté de l’air : sans la moindre odeur de pollution, de gaz d’échappement ou d’activité humaine.
Au deuxième arrêt de notre visite guidée, le chauffeur nous a fait descendre à un visitor center derrière lequel il y avait une autre grande terrasse d’observation extérieure. Dans le centre d’accueil, on a appris que le Denali National Park and Reserve, qui s’étend sur 24 300 kilomètres carrés, est traversé par une seule route le long de laquelle sont aménagés six terrains de camping. C’est une réserve écologique protégée autour de la chaîne de montagnes de l’Alaska Range. Le parc doit d’ailleurs son nom à la présence du plus haut sommet de l’Amérique du Nord : le mont Denali, « the tall one » dans la langue autochtone athabascan.
On est sortis du bâtiment avec l’intention de manger notre lunch. C’est là, en descendant l’escalier menant au belvédère, qu’on l’a vu dans toute sa beauté : le fameux mont Denali. C’est vraiment une montagne exceptionnelle. Elle se détache littéralement au-dessus de l’Alaska Range avec sa large base et ses façades blanches et découpées, comme une grande pyramide. Alex s’est tout de suite dirigé vers le muret pour profiter de la vue.
Je voulais que notre passage devant le mont Denali soit un moment unique et juste pour nous deux. Pas facile considérant la trentaine de touristes avec lesquels on passait la journée. J’ai réussi à trouver un endroit un peu à l’écart sur une zone de gravier pour installer solidement le trépied avec la caméra. Après avoir vérifié que le plan de vue montrait bien le mont Denali en arrière, j’ai fait signe à Alex de me rejoindre. On s’est assis devant l’objectif avec nos salades. Le ciel était dégagé, d’un bleu pur et magnifique. L’image était parfaite. Alex a commencé son intervention en décrivant « notre superbe vue sur le mont Denali » et la chance qu’on avait, car en réalité, seulement un visiteur sur trois parvient à le voir entièrement. Le plus souvent, la pluie, le brouillard ou les nuages en cachent le sommet. Après un autre coup d’œil sur le panorama, il a enchaîné : « Je parlais au téléphone avec ma mère qui me demandait si ça valait la peine d’avoir fait toute cette route. À voir cette vue-là, je peux dire que ç’a valu la peine. Je pourrais revenir chez nous demain et être content. Mais le plus beau dans tout ça c’est que… notre aventure en Alaska ne fait que commencer. »
Les yeux et le visage d’Alex exprimaient ce que j’aime le plus chez lui. Son énergie, son sens de l’émerveillement et de la découverte. Et la promesse silencieuse que ma vie avec lui allait toujours me surprendre et me combler.
On a passé une seconde journée au parc de Denali, mais sans le désavantage d’avoir à suivre un troupeau de touristes : on a fait la visite à bicyclette. Alex a installé nos vélos de montagne pliables sur un support mis à la disposition des clients à l’avant de l’autobus. Le chauffeur nous a fait descendre à l’endroit de notre choix sur la route. On avait le bonheur d’avoir le parc rien qu’à nous. On a pédalé et avancé à notre rythme, seuls avec la nature et les vues spectaculaires qui nous faisaient sentir tout petits dans ce territoire grandiose. Pour moi, c’était un des plus beaux moments de notre séjour à Denali.
Notre itinéraire nous a ensuite menés à Anchorage, une autre grande ville qui a surtout servi à nous réapprovisionner et à recharger les batteries de la Micro Minnie. On en a profité pour travailler. De toute façon, il faisait froid et c’était venteux à l’extrême. Ensuite, on a pris la route vers l’est pour se rendre à Valdez où Alex avait réservé un emplacement de camping.
Le trajet entre Anchorage et Valdez est spectaculaire, surtout vers la fin, quand on suit le canyon de Keystone. On avance entre deux murs de roc au fond d’une gorge étroite en suivant le tracé sinueux de la rivière Lowe. À plusieurs endroits, on rencontre des chutes qui tombent littéralement du haut des falaises jusqu’aux eaux grises de la rivière au fond du canyon.
Alexandre tenait à tout prix à arriver au camping de Valdez avant le 28 août, car le 28 août, c’est mon anniversaire. Et mon organisateur en chef avait prévu le souligner. Il avait même fait livrer mes cadeaux par la poste à l’adresse du camping, le Bayside RV Park. Je savais déjà en quoi consistait l’un des deux : c’était une trottinette électrique qu’on avait décidé de commander pour que je puisse me balader avec lui et son skateboard électrique, acheté juste avant qu’on parte pour l’Alaska. Mais l’autre était une surprise.
Aussitôt qu’on s’est installés à notre emplacement, Alex s’est rendu à la réception pour récupérer les boîtes. J’attendais sagement dans la roulotte avec Mr Bond et Snoopy. Il m’avait donné quelques indices pour que j’essaie de deviner sa surprise : c’était un objet que je pourrais utiliser autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans le camion ou sur une plage, et c’était un accessoire qui me servirait sûrement en travaillant. Je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait bien être.
Quand Alex a enfin rouvert la porte de la Micro Minnie avec son paquet brun, il était presque aussi excité que moi. Rapidement, j’ai déchiré le papier et ouvert la boîte. C’était une superbe couverture Rumpl vert forêt. Une « doudou » de ma couleur préférée, fabriquée avec des matériaux haut de gamme, un accessoire que je n’aurais jamais osé m’offrir, car clairement hors de prix! Moi qui me plains constamment d’avoir froid, j’allais pouvoir la traîner partout avec moi, dans l’auto, autour d’un feu, sur le gazon pour dormir au soleil ou sur la banquette de la roulotte pendant mes longues heures de montage vidéo. J’étais comblée.
Et ce n’était pas fini! Alex m’a invitée à sortir de la roulotte. Direction : le centre-ville de Valdez pour un souper de fête. Là-bas, j’ai découvert une autre ville comme je les aime : petite, charmante, sans trop de monde. Valdez est en fait un gros village de pêcheurs au fond d’un bras de mer entouré de montagnes. Un endroit qui respire la tranquillité et la simplicité. On s’est arrêtés au Roadside Potatohead, un joli casse-croûte au décor « rustique chic ». On s’est assis au comptoir de la terrasse et on a mangé nos burgers avec un énorme panier de frites maison à l’ail, les meilleures que j’ai goûtées à vie, avec la vue sur la marina et le coucher de soleil.
Petite pause de lecture pour une petite pub, tu envisages une aventure en Alaska à bord de ton VR? On a créé un guide vidéo complet dans lequel on partage tout notre expérience de A à Z.
Vous retrouverez donc un paquet d’information pour vous aider à préparer votre voyage comme:
-Les différents itinéraires qu’on vous recommande
-Les coûts d’un voyage en Alaska
-L’équipement requis pour survivre aux routes
-Les plus beaux emplacements de camping
-Les activités à ne pas manquer
C'est une destination loin de tout et c'est important d'être bien préparé pour ce genre d'aventure! Voici le lien pour te procurer le guide : https://vimeo.com/ondemand/alaskaenvr
Deux jours plus tard, on repartait déjà. Alex voulait se rendre au glacier de Kennecott, à côté de la petite ville de McCarthy. Je n’avais pas très envie d’y aller. D’abord, la route s’annonçait longue et difficile. Ensuite, pourquoi aller voir un autre glacier? On en avait tellement vus depuis le début de nos voyages, en Alberta, en Colombie-Britannique, aux États-Unis et ici, en Alaska. La semaine précédente, on avait même fait une croisière dans le Kenai Fjords National Park jusqu’à l’embouchure d’un énorme glacier qui s’effritait lentement dans l’eau de la mer. Une expérience mémorable et difficile à surpasser. J’hésitais :
— Qu’est-ce que le glacier de Kennecott a de plus à offrir? Pourquoi on se taperait 200 kilomètres pour voir ça?
— Ça ne sera pas pareil, on va pouvoir marcher dessus! Et pour s’y rendre, il y a une belle randonnée à faire à pied, on passe à travers les ruines d’une mine de cuivre. Les Wynns y sont allés et, t’aurais dû les voir, ils étaient tellement impressionnés, tellement pâmés sur leur vidéo… ça doit vraiment être quelque chose!
Il a fini par me convaincre, mais je partais quand même à reculons. À partir de Valdez, le trajet pour se rendre à McCarthy nous faisait remonter vers le nord sur Richardson Highway, puis vers l’est sur la route 10. C’était sinueux et étroit, mais au moins, c’était asphalté. Par contre, à la sortie du petit village de Chitina, là où les rivières Cooper et Chitina se rencontrent, ça s’est gâté. Le pavage s’est transformé en terre battue. À notre droite, une pancarte indiquait : McCarthy 60 miles. On avait donc encore 100 kilomètres à faire… sur un chemin de terre.
On allait hyper lentement et, à l’exception de quelques pick-ups qu’on croisait ou qui nous dépassaient à toute vitesse en volant littéralement au-dessus des nids-de-poule, on n’a vu personne sur cette interminable route. Tout le long, j’étais inquiète, je ne la sentais pas, j’avais un mauvais feeling. On était hors réseau et la dernière station-service était loin derrière nous. Même la radio satellite entrait de façon intermittente. J’étais tellement négative qu’à un moment donné, Alex a pensé faire demi-tour. Mais il s’est obstiné.
On a fini le trajet à la toute fin de l’après-midi, dans un silence tendu. Alex a freiné. C’était le bout de la route. Littéralement. Elle s’arrêtait net dans un cul-de-sac.
Devant, il y avait la McCarthy River, un cours d’eau pas très large, mais au débit très rapide. On voyait un étroit pont de métal au-dessus de l’eau gris perle, presque laiteuse. Des deux côtés du pont et le long de la rive, le terrain était dégagé, moitié gravier, moitié sable. C’était le Base Camp Camping and Parking. Je ne voyais aucun bâtiment, seulement une boîte protégée de la pluie par une petite structure de bois. On a compris qu’il fallait laisser notre paiement dans la boîte. Il n’y avait aucun numéro d’emplacement ni repère à l’exception des trous pour les feux de camp. On a choisi un bel endroit à l’écart, directement au bord de l’eau. Il y avait un ou deux autres VR un peu plus loin. Ma tension a baissé d’un cran : on était loin, mais on était arrivés, et avec tous nos morceaux.
Le pont de métal était réservé aux piétons. Il permettait d’aller au village de McCarthy à pied. C’est ce qu’on a fait tout de suite après avoir promené les chiens. Cette petite marche d’un kilomètre s’est avérée plus longue et ardue qu’on pensait. Une section du chemin était complètement inondée à cause d’un barrage de castors. Heureusement, deux gentils résidents passaient par là et nous ont aidés à traverser rapidement avec leur quatre-roues. Le soleil se couchait au bas d‘un magnifique ciel rose. C’était de toute beauté. Ma bonne humeur revenait tranquillement.
McCarthy, c’est vraiment tout petit. Il y a juste une rue avec une douzaine de maisons, deux ou trois restaurants, un hôtel miniature, un bar, un café-boulangerie et un fournisseur d’équipement de plein air et d’excursion. Mais c’était tellement joli : ça ressemblait à un village du Far West, une frontier town avec des immeubles aux façades droites en planches. Il ne manquait qu’un saloon et une rampe le long des trottoirs de bois pour attacher nos chevaux! On a mangé au Potatohead, la seule autre succursale du beau petit pub de Valdez où Alex m’avait invitée pour ma fête. Après avoir siroté notre bière, on a regagné notre roulotte à l’aveuglette dans le noir. La grosse mare d’eau était encore là, mais on a été capable de la traverser. On s’est rendu compte que des gens avaient placé des bûches ici et là. Heureusement, j’avais mis mes bottes de caoutchouc, mes « bottes à vaches ». J’avançais donc devant Alex, dans ses petits souliers, en le tenant par la main pour le guider d’une bûche à l’autre!
Le lendemain matin, Alex s’est levé tôt pour marcher avec les chiens et filmer l’introduction de la vidéo qu’on voulait faire cette journée-là. Après le déjeuner, on a enfilé nos chaussures de randonnée et retraversé le pont vers McCarthy. Pour se rendre au glacier qu’Alex tenait absolument à voir, il fallait passer par le village et, de là, prendre un minibus jusqu’à Kennecott.
Kennecott, c’est un glacier, mais c’est aussi le site d’une ancienne mine de cuivre en activité de 1911 à 1938. L’endroit est très impressionnant. Le bâtiment principal de quatorze étages est entièrement construit en planches de bois peintes en rouge. Tout autour, il y a une série d’autres immeubles fabriqués avec le même genre de planches rouges, des bâtiments de service, un magasin général, un bureau de poste et des maisons pour les mineurs. On était pratiquement seuls sur le site. C’était tellement calme, on n’entendait que le vent dans les branches et le bruit de nos pas sur le gravier. J’avais l’impression que le temps s’était arrêté.
Le sentier qu’on devait prendre débutait à l’extrémité du village fantôme. Quatre kilomètres plus loin, après avoir traversé une belle forêt de feuillus et de petits sapins, on a débouché sur d’épaisses collines de sable à l’avant du glacier. Même s’il nous restait encore une pente d’environ 200 mètres avant d’arriver, je sentais déjà la fraîcheur de l’air qui avait frôlé le glacier.
Au début, la glace est foncée et mélangée au gravier et au sable. Plus on avance, plus elle devient dense, blanche et lisse. Le soleil brillait et il se créait des petits ruisseaux d’eau pure et cristalline un peu partout. C’était magnifique, l’Alaska se montrait sous son plus beau jour. On a marché longtemps sur ce gigantesque champ de glace, perdus dans nos pensées, profitant de la chaleur du soleil et respirant l’air frais que dégageait ce glacier vieux de milliers d’années. J’étudiais le détail des couleurs et des reliefs. Par endroits, ça ressemblait à la surface blanche et brillante d’une balle de golf géante, ailleurs, la glace était crevassée avec une multitude de reflets bleutés.
Cette marche sur le glacier de Kennecott a été pour moi une expérience vraiment unique de contemplation et d’émerveillement. J’ai repris le sentier avec le cœur léger, détendue et inspirée par la beauté et la grandeur de la nature.
De retour à la Micro Minnie, on a placé nos chaises devant la rivière. Le soleil descendait doucement et l’air devenait plus frais, ça prenait une petite laine. Je suis entrée chercher les deux bières qu’on s’était promises à la sortie du sentier, et ma couverture Rumpl toute neuve.
Alex a détaché les chiens pour les laisser courir librement puis il est venu s’asseoir avec moi en expirant joyeusement : « C’est ça la belle vie! » J’étais déjà installée au chaud avec ma doudou sur les genoux. On était en pleine nature au milieu des montagnes et des glaciers, à des centaines de kilomètres de la ville la plus proche. J’entendais le son apaisant de la rivière à nos pieds. J’ai repensé à la route misérable qui nous avait permis d’arriver à ce petit paradis. À la détermination d’Alex et aux chemins qu’il nous fait prendre, qui semblent n’aller nulle part, mais qui, au final, débouchent sur des expériences extraordinaires.
J’ai caressé ma couverture du bout des doigts et regardé mon amoureux soudain plongé dans le silence, qui savourait sa bière à mes côtés. J’ai fermé les yeux. J’étais avec lui et j’étais au bout du monde. Oui, c’était la belle vie.
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